J'ignore depuis combien de minutes, si ce n'est heures, que nous courront et traversons cette forêt qui semble interminable. En plus d'une pluie battante et d'un orage assez violent, allant en parfaite adéquation avec la situation et l'humeur de tous. Mais la météo, la fatigue et la douleur était bien le cadet de mes soucis en cet instant. Alors que tout commence à s'écrouler dans mon esprit, je prends sur moi pour veiller à garder la tête sur les épaules. Au moins le temps de trouver un abri, un moyen de protéger et de maintenir rassemblé l'ensemble du groupe. C'était une priorité, avant toute chose. Bien qu'une intense déception et colère, commence déjà à me ronger de l'intérieur. Le genre de rage, que je ne suis même pas certain d'avoir déjà ressenti une seule fois dans toute ma vie. Heureusement, j'ai pour habitude de tout intérioriser et pour l'heure il le fallait. Bien que je sois au bord de l'explosion et qu'aucun mot n'arrive à sortir de ma bouche. Trop de gens comptent sur moi, en cet instant. Ils ont tout perdu, sont épuisés et nous sommes encore bien loin d'être hors de danger. Pour autant, c'est silencieusement, que nous poursuivons notre marche au travers des bois et que les autres me suivent sans discuter.

La tension est palpable, je suis tendu et cela se ressent certainement. Même pour le moins empathique du groupe. Mon regard est sombre et mon visage décomposé.... Machinalement, j'essaye de me repérer pour retrouver le chemin menant à cette fameuse ferme que nous avons trouvé quelques jours plus tôt avec Jane. Malheureusement, entre les quelques rôdeurs qui nous ont poussés à changer de direction, la noirceur intense de la nuit et les intempéries, il est quasiment impossible de se repérer. Je ne suis pas très concentré non plus, malgré tous mes efforts pour garder mon sang froid... Je ne peux m'empêcher de repenser au camping-car, à Shane... Nous abandonnant. A ceux qui sont morts sous nos yeux, à ceux qui ont failli y passer... Dont mon propre fils Carl, Glenn, Carol et j'en passe. Comment une chose pareille a-t-elle pu se produire si soudainement ? Ma mâchoire se crispe sévèrement à toutes ces pensées.

Mais nos efforts finirent par payer enfin. Un chalet au loin, commence à se faire voir. Sans un bruit, je fais simplement signe à tous mes compagnons de rester près de moi et de se regrouper. Pour ceux possédant des armes, je les invite également à s'en équiper. Prêt ou pas prêt, les choses font que pour certains, ils allaient falloir se prendre cruellement en main. A partir de maintenant, plus rien ne sera jamais comme avant. Personne ne l'a voulu, tout le monde allait devoir s'y faire. Toujours en tête, Colt en main, je m'avance prudemment jusqu'à l'entrée du chalet. Après avoir indiqué à Glenn et Dimitri de faire le tour de l'habitation, par mesure de précaution. C'est seul, que j'entre à l'intérieur et fouille les différentes pièces. Fort heureusement, tout semble indiquer qu'il n'y a plus rien à craindre. Je retrouve donc mes camarades à l'extérieur, rangeant mon arme, après les avoir autorisé à entrer à l'intérieur. Une fois tout le monde à l'intérieur, je veille à bien refermer  et verrouiller la porte derrière nous et m'y appuie lourdement contre. Le regard hagard, le corps aussi lourd qu'une enclume... Avant de briser soudainement le silence.

- « On va dresser un camp ici, pour cette nuit. On repartira à l'aube, à la recherche d'un endroit plus sûr. »

J'avais l'air impassible et froid, mais je souffre de les voir ainsi. De ne pas avoir pu tous les sauver... Que les choses ne se soient pas passées comme prévu... Je regarde à peine les survivants, avant de me frayer un chemin entre eux et d'aller m'isoler dans un coin du chalet. Épuisé, trempé, abattu, triste, enragé... Un fléau de sentiments, qui peut me faire exploser à tout moment et d'une façon que je risque de regretter. Raison pour laquelle, je décide de m'isoler, non loin d'une fenêtre. Passant une main dans ma chevelure et sur mon visage trempée, je jette un rapide coup d’œil vers l'extérieur. Le tonnerre gronde encore et c'est avec effroi que je cru apercevoir T-Dog, debout entre deux arbres, regardant dans ma direction avec des yeux accusateurs. Mon corps tout entier se mis à trembler, avant que je ne secoue la tête et m'aperçoive qu'il avait déjà disparu. Ce fut suffisant, pour que mes nerfs lâchent. M'adossant contre le mur, je me laisse lentement tomber au sol. Passant la majorité de la nuit à ruminer... A entendre les pleurs de certains, qui me firent tout autant souffrir. A me demander ce qu'il est advenu de Daryl, de Lori, de Jane... et tous les autres. Réfléchissant à l'avenir, à notre survie... A cette rage meurtrière que je ressens envers Shane. Évitant de fermer les yeux, pour ne pas revoir T-Dog en train de se faire dévorer et déchiqueter vivant par les morts... Prenant officiellement conscience du rôle de leader qui s'impose à nouveau à moi.

L'on pouvait déjà percevoir la lueur du soleil commencer à pointer le bout de son nez à l'horizon. L'orage avait cessé de gronder, mais la pluie tombait encore lourdement sur le toit du chalet. Faisant un vacarme tant angoissant, qu'apaisant pour d'autres. Je reste accolé contre le mur durant de longues minutes. Perdu dans mes pensées et mes réflexions. Ne me souciant même plus de qui que ce soit, durant ce laps de temps. Tout le monde avait besoin de moi, mais j'avais besoin de retrouver mes esprits tout en essayant de contrôler ma colère et mes propres angoisses. Tout était sous contrôle, pourquoi a-t-il donc fallu que tout parte en vrille de cette façon ? Tout aurait pu mieux se passer, à quelques secondes près... A une décision près. Shane et moi, avons pourtant toujours été si complice et complémentaire dans ce genre de situation. C'était LE moment, où il aurait fallu mettre notre expérience et complicité à profit. Nous n'en sommes pourtant pas à notre premier cas d'urgence. Il devait y avoir autre chose... Mais quoi ? Les poings serrés et recroquevillés devant ma bouche, un de mes pieds bougent nerveusement et mon regard est comme... vide.

Néanmoins, j'ai beau être profondément plongé dans mes songes, mes oreilles ne loupe pas une miette de ce qui se murmure ou se dit plus loin. Plus je les entend, plus ma nervosité augmente et n'arrange pas mon équilibre mental. Certains commencent même à me contredire et à évoquer l'idée de partir retrouver les autres. Très mauvaise idée... Il ne valait mieux pas que je retrouve Shane en cet instant, au risque qu'il nous mette à nouveau en danger ou même... de le tuer de mes mains. J'étais trop dévoré par la colère. Une colère, que je sais pourtant d'ordinaire contrôler et cacher derrière un calme inébranlable. Sauf qu'en cet instant précis, je n'ai plus la moindre patience. Et mon esprit conciliant a pris la fuite pour une durée indéterminée. Ce blabla incessant commence donc à me taper sérieusement sur le système. A tel point, que je me relève vivement et retrouve tout le monde dans la pièce. Les observant d'abord simplement, les uns après les autres. Oseraient-ils encore mettre mes capacités et ma confiance en doute ? Après tout ce que j'ai fait pour eux ? Après tout ce que je suis encore capable de faire, pour eux ?

- « Personne ne bouge, on n'ira nul part. »

Mon timbre de voix était sec et autoritaire, attirant ainsi l'attention de tout le monde. Mais titillant également l'inquiétude et le désir de rébellion d'autres, qui essayent encore de me contredire.

- « Je fais en sorte que tout le monde reste unis et en vie ! C'est ce que je me tue à faire quoi qu'il arrive depuis le début, j'ai jamais demandé à être le chef !! »

Machinalement, mon regard s'attarde quelques instants sur Nur. Avant de divaguer en direction de plusieurs silhouettes, dont T-Dog, se tenant dans un recoin de la pièce. Mon angoisse grimpe en flèche, tout comme ma respiration. Je me frotte nerveusement le front, à la vue de ces personnes que je n'ai pas réussi à sauver et que j'ai vu mourir sous mes yeux il y a quelques heures à peine... Redressant à nouveau le menton, je secoue la tête et regarde à nouveau chacun d'entre eux.

- « Mais après tout vous vous débrouillerez peut-être mieux sans moi ? Allez-y je vous en prie... Pour moi, on peut tout recommencer quelque part ! Mais peut-être que j'suis à côté de la plaque, peut-être que j'me plante !? Peut-être que j'me voile encore la face en fin de compte... Allez-y ! Allez vous promenez tous seuls dans la forêt, j'ai hâte de vous y voir. Et pensez à m'envoyer une carte postale... »

Ainsi, je leur désigne la porte d'un geste vague du menton et du bras. Prêt à les mettre au défis de faire mieux, de trouver mieux. Mais pour l'instant, absolument personne ne bouge ni ne bronche.

- « Bah allez ! J'vous retiens plus ! Vous vous croyez plus malin ? On verra combien de temps vous tiendrez... »

J'avais eu tord, de croire en Shane. De n'avoir rien vu venir plus tôt... Mais une chose est sûr à présent, c'est que cette trahison et situation dramatique m'avait clairement ouvert les yeux. Et il devait en être de même pour tout le monde. Terminé les conciliations inutiles et incertaines. Un sourire sombre étira la bordure de mes lèvres, en les voyants tous là, devant moi... Immobiles et silencieux.

- « Alors personne se lance ? Parfait. Mais que les choses soient claires... Si vous restez, sachez que la démocratie vient juste de mourir. »

Une étrange lueur traversa mon regard, à ses mots. J'observe la réaction de chacun, dont particulièrement celle de mon fils. Pour la première fois, j'avais l'impression, qu'il avait peur de moi. Comme jamais... Après avoir enfin vidé mon sac, je prends la direction de la porte et sors du chalet afin de m'octroyer le premier tour de garde. Je n'étais pas parti pour dormir, de toute évidence...